Chroniques

Dans la tête de l’artiste, en toute intimité

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Ps: pas  de clip en guise de final mais des mots soulignés, qui vous mèneront, au fil de la lecture, vers les sons qui ont peuplé ma semaine 🙂

Qui ne s’est jamais interrogé sur le pacte secret qui nous lie à la musique ? Sur son inépuisable aptitude à nous révéler à nous-même, nous et nos instants de fragilité pure ou de vaillance absolue ?

Il est doux de se laisser porter par la mélodie, sans aucun a priori, juste en s’agrippant à elle, et de sentir nos pieds se détacher du sol. Libérés du poids de notre corps, nos lourdes carapaces craquent sous la pression de toutes nos pensées secrètes. Soudain, les voici qui reprennent plus que l’espace restreint où nous les avions circonscrites. Toute cette joie et ces larmes, enfin libérés.

Une mélodie, c’est un savant mélange de toute une gamme de matériaux précis. Pour commencer, il suffit de se placer dans la rue, dans un couloir de métro ou dans un grand magasin : la rencontre est là, qui couve l’artiste de ses longs cils. Elle lui offre de beaux entrechocs de personnalités, de quoi le faire trembler dans ses racines et l’éloigner de sa zone de confort. Elle sait que c’est souvent dans le regard ou le sourire d’un(e) autre que tout se joue. La belle personne, au bon moment, qui fera de son instrument le vecteur idéal d’expression, et la juste continuation de son bras.

Viendront s’ajouter, par touches rares et précieuses, des pincées de notes, dont l’évidence étonne toujours l’auditeur. Comme si l’artiste savait, par avance, qu’elle s’emboîtera à la perfection dans un repli de notre âme, dans un espace laissé vide par une émotion fugace, un amour qui s’éloigne, un rire oublié. Et de cette architecture de notes, de vies et de sentiments mêlés, la construction prend forme : une main serrée, des lèvres effleurées, une pierre posée.

Parfois, l’artiste a envie de tout renverser, parce que l’édifice ne correspond plus du tout à ce qu’il espérait. Il a grandit, et les bras sortent par les fenêtres, la tête par la cheminée. On m’a un jour soufflé : « ces titres qui sont en ligne, tu sais, ils sont trop anciens, j’ai vraiment évolué depuis, et j’ai envie de partager ça ». Et ce qu’ils disent, ces artistes en pleine croissance, ils le font, toujours plus fort, toujours plus lumineux. Une croissance sans bornes pour une architecture sublimée.

De mains tendues en équilibres instables, l’artiste fait de la vie une inspiration quotidienne, en songeant à alimenter le feu sacré à grandes brassées de concerts, sans lesquels il peine à savoir où il en est, et ce qu’il est déterminé à atteindre. Et il ne nous oublie pas pour autant: désormais, il nous octroie le plaisir discret de pénétrer les arcanes de son cheminement, car toutes les pierres mènent à…Lyon?

Certains s’arriment à des joies simples : “les mots sont tout aussi importants pour moi que la musique. J’aimerais que les gens fassent plus attention aux textes d’ailleurs (…) et qu’ils prennent du plaisir à les lire.”*

Suivre un artiste, c’est un peu s’arrimer aux battements de son coeur. C’est piocher dans son réel afin de faire de nos rêves des territoires d’exploration quotidiens. Il sait peu à peu nous mener vers nos climax respectifs, d’où nous serons balayés d’une indicible mélancolie vers une vrombissante montée d’enthousiasme, nous ramenant  à notre premier tour de manège, du temps où une bouchée de pomme d’amour suffisait à illuminer notre jour.

Reste la minute zéro, celle où il est bien là, de chair et de son, sous nos yeux étonnés (“il est beaucoup plus grand, en fait!” “Et ses yeux, ils sont bleus ou verts? “Elle est mariée? Zut…”), se mouvant vers la scène, la tête un peu basse, parfois pieds nus, le sourire discret, avant d’entamer le premier morceau, avec tout ce que la spontanéité de l’instant peut charrier comme moments de grâce.

Il prend son temps, boit une gorgée d’eau et ferme les yeux. Il est enfin à sa place et s’apprête à pénétrer nos coeurs, une effraction de velours. Entre chaque note, le voici qui glisse un peu de lui, faisant de nous des “je” à jamais meilleurs.

Haut les coeurs!

*: extrait d’une jolie interview

Crédit image@Philippe Geluck

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