“Souffrir pour être belle, je n’ai pas envie, c’est grave ?”
Souffrir ne signifie bien entendu pas faire souffrir autrui, notamment en portant des bottes cavaliers sur un baggy usé. Bref.
Et d’abord, de quelle souffrance parle t-on ici? La cire brûlante, la pince qui arrache le poil ET la peau, le recourbeur qui ourle la pupille définitivement, le vernis dont les effluves feraient tourner de l’oeil une foule privée de l’odorat, les talons qui nous permettent de découvrir des moyens insoupçonnés de perdre l’usage de nos pieds?
Cet adage démentiel de vide aurait-il pour couronnement ultime la remarque d’un improbable quidam qui aurait, ô miracle ! noté le brio de notre nouvelle toilette, nouvelle coiffure? Ladite souffrance inclurait alors les compliments des hommes attirants tout comme ceux des lourds, poisseux, vagabonds frémissants et retraités bavards? De la gêne et de la douleur pourrait donc éclore la grâce d’être enfin perçue comme séduisante?
Ah, oui, le délice de s’infliger une soupe au chou sur quinze jours et constater que la faim est encore plus dévorante qu’auparavant, proclamer le bannissement de toute incartade sucrée afin de faire mordre la poussière à sa balance (je rappelle qu’il s’agit là d’une MACHINE, d’un appareil sans âme qui a pour rôle unique de PESER pas de déterminer votre place dans la société ni d’établir le menu des jours à venir, pas de vous octroyer le droit de porter une micro-jupe ou un slim, pas de vous permettre de draguer. On est d’accord?)…
La beauté, celle que l’on souhaiterait universelle, reconnaissable entre toutes, le canon ultime et unique qui ferait se courber les étoiles à notre passage? La beauté, l’apanage de celles et ceux qui auraient les moyens de l’entretenir, ce trésor que l’on se doit de trouver, dénicher, scruter, injecter, racler, illuminer, corriger, pincer, détendre, retendre, gommer, palper, rouler, sublimer ?
Beauté, jeunesse, le tout s’entremêle et se perd. La seconde serait la réflexion la plus aboutie de la première, la première justifierait la quête effrénée de la seconde.
Alors, on écoute d’une oreille faussement distraite les conseils beauté de la copine esthéticienne sur les injections de collagène et de botox (après tout, tout le monde sait la tête que j’ai lorsque je suis contrariée ou étonnée alors, est-ce bien nécessaire de conserver ces rides d’expression ?). On tourne autour d’un pot de crème antirides (au prix qui s’apparente à s’y méprendre à une date de la Révolution française) en se demandant si , au final, on a VRAIMENT besoin d’un deuxième rein. On admire, dans le secret de notre salle de bain, les photos (que l’on devine/espère/suppose retouchées) de ces filles/femmes des magazines : le temps coule sur ces pages de papier glacé comme une larme sur du marbre.
Qu’on se le dise donc, entre nous, une bonne fois pour toute :
1. seul l’Amitié, l’Amour et l’Art retardent le vieillissement ;
2. sus aux cons, ils sont des accélérateurs de sénilité;
3. les talons de 12 sont une torture intolérable, même pour une fille saoule à 2h du matin après une soirée au Wanderlust (notre source souhaite conserver l’anonymat. On comprend pourquoi.).
Haut les cœurs !
Crédit photo: @ Yulya Shadrinsky