On a rencontré MNNQNS : ok, la relève rock est assurée
Après tout, qu’est ce qu’un bon groupe de rock ? Une symbiose des musiciens, un chanteur à l’incontestable aura, parvenant à créer un lien entre chacun ? Une débauche de guitares, de sons saturés ? Qui assume sa touche pop ? Levant toutes ces interrogations, MMNQNS (prononcez Mannequins, et oui, ils le sont) est le groupe français que l’on n’attendait plus, et qui, en deux EP, parvient à redonner espoir en un rock français devenu bien trop chansonnier, en offrant un paysage inattendu, entre pop anglaise et racines rock solidement ancrées, mais pas exclusivement. Interview.
Comment se déroule la tournée, jusqu’à présent ?
Grégoire (batteur) : Tourner, c’est ce qu’on préfère, parce qu’un groupe comme MNNQNS, si ça joue pas, ça n’existe pas. On était plutôt content à l’idée de faire la tournée, on avait hâte et, maintenant, on est déjà triste à l’idée que ça s’arrête.
Plutôt scène que studio ?
Adrian (chant/guitare): Les deux sont tout aussi importants. On est autant un groupe de scène que de studio. En studio, tu as l’occasion d’expérimenter des choses qui ne sont pas forcément pertinentes en live ; il nous arrive de transcrire le live en album.
Quel est votre processus d’écriture ?
A : La plupart du temps, j’écris la base des morceaux, je fais des choses assez épurées au départ, assez pop, et j’amène ça en répétition assez rapidement.
On amène ensuite des parties instrumentales, les gars amènent des arrangements, des structures, des nouvelles voix… On tend à changer ce processus, on fait des choses différentes tous les quatre. Ça débute par des chansons, qu’on va ensuite niquer. En fait, plus la chanson est pop, et plus on va la niquer. Parfois, on va opter pour un processus inverse : par exemple, Greg va faire des choses extrêmement rythmiques, et après je vais ramener cette identité pop, sans que ce soit une formule magique. Du coup, c’est cool de fonctionner à plusieurs « plumes ».
Les concerts, le public :
A : On aborde les concerts de la même manière, que ce soit Rock en Scène ou autre. Tu n’as pas le choix, tu dois faire le maximum. Lors d’un concert au Mans, je vois qu’il n’y a personne dans la salle, c’était juste avant le Café de la Danse, et j’ai dit, bon, ça servira de date de chauffe, et Greg m’a dit, non, il n’y a pas de date de chauffe, tu fais chaque concert comme si c’était le dernier. Donc, ce n’est pas une source de stress.
G : Même s’il y a peu de gens, on se dit que ceux qui sont là vont s’en prendre plein la gueule (rires)
Bowie disait qu’il ajoutait des effets à sa voix, parce qu’il ne supportait pas l’idée de s’entendre chanter avec sa voix ordinaire…
A : On est un peu dans ce truc de mettre pleins d’effets sur les voix, effectivement, pour ne pas avoir un effet standard. La prod, en termes de traitement de son, n’est pas là pas pour camoufler, on pourrait faire sans. Cela apporte de nouvelles strates, de nouvelles identités. Entre une voix sèche et une autre blindée de réverb’, ça n’a pas la même connotation, le même rendu affectif pour chaque personne, selon ses souvenirs musicaux. C’est intéressant de jouer sur ces partis pris de son.
Marc (guitare) : Parfois, on place des parties de guitares, très reconnaissables, puis on va vers un autre extrême, et on ne reconnaît plus du tout, cela permet de brouiller les pistes.
A : Dans cette idée, le groupe Palm a un son de guitare qui fait penser à un steel-drum.
G : Oui, ça fonctionne bien, sans qu’il ait la connotation « Hawaï », on les reconnaît de suite…
A : Chez Bowie, en live, il y a des effets, des traitements sur la voix jusqu’au bout, c’est incroyable.
Le déclic d’Adrian suite à ses études à Cardiff / Leur regard sur la scène française/Leurs groupes du moment :
A : Pendant mes études de musicologie, j’ai pu partir à Cardiff pendant six mois avec le programme Erasmus. Ça été une vraie claque. Tous les bars ont leur propre matos de musique…Là-bas, tu as juste envie de faire de la musique. Entre l’Angleterre et la France, c’est plutôt les mentalités qui divergent. En Angleterre, ils sortent en concert très souvent, pour découvrir des groupes que personne ne connaît.
A Rouen, je fais partie d’une association qui fait jouer des artistes étrangers – je suis certain qu’il y a des groupes qu’il faut découvrir à un certain moment – et il arrive qu’on ait seulement 30 personnes au concert. En Angleterre, il y a une façon de consommer la musique qui est différente : qu’importe si le groupe n’est pas connu, du moment qu’on passe un bon moment…ou pas.
(Ensemble) : Concernant nos groupes du moment, les grands noms mainstream, on s’en fout. En France, dans l’indé, il y a vraiment des choses incroyables, il suffit de diguer, de sortir de ce qu’on t’impose à la radio.
A : On est hyper fan de ce qui se fait à NY depuis la fin des 70’s, l’Australie depuis peu.
G : En France, il y a un label à Strasbourg qui s’appelle October Tone Records, sur lequel on trouve Armor Blitz et T/O. Ça fait partie des meilleurs sons en France actuellement mais que, bizarrement, on n’entend pas, comme si ça ne nous appartenait pas : le problème, c’est qu’ici, on ne fait plus la différence entre la chanson, la variet’, la pop, on a un problème avec ça.
Leurs collabs rêvées :
(Ensemble) : David Bowie, Justin Vernon, James Blake, Blonde Redhead, Mark Ronson, Black Lips, !!! (Chk Chk Chk), Deerhunter, Brian Wilson, Frank Ocean, Tyler the Creator, Death Grips, Kendrick Lamar…
La réception (positive) de l’album, leur filiation à la famille du rock :
A : On ne se met pas la pression, à part dans le cadre de l’album. Si on le foire, on va le prendre personnellement, au-delà des retombées médiatiques, même si ça reste hyper important. Ce gros pavé, il doit être mortel.
(Ensemble) : Concernant le terme de « rock », ce n’est pas un style particulier auquel on est attaché, qu’on a envie de défendre. On nous assimile à ça parce qu’on a des guitares sur scène, une batterie…une formule qui est rock, finalement. Mais quand des titres de presse nous rattachent au courant rock, tu lis aussitôt des commentaires de lecteurs, qui, sans critiquer notre musique en elle-même, n’acceptent juste pas le terme de groupe « rock » : cela ne fait pas l’unanimité, et tant mieux !
(Article paru pour la première fois dans Beware Mag, le 25/05/2018)
Photo couverture @Lionel Bonaventure