Arts

[De retour du théâtre] Roméo & Juliette – Théâtre du Ménilmontant, Paris 20ème

Quand la tragédie la plus célèbre au monde et l’une des compagnies les plus prometteuses du moment, Les Chiens Andalous, se réunissent, que peut-il arriver de mieux, finalement, un mercredi soir, après une journée à courir après le temps, son mec (Matthias Schoenaerts, pour ne pas le citer – comment cela, je rêve ? Et c’est interdit peut-être?), et des urgences au bureau, à en perdre haleine ?

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Les Chiens Andalous, c’est une meute de onze artistes aux horizons confondus (Marion Conejero, Karl Philippe, Thomas Silberstein, Paul Reulet, Danièle Yondo, Zerkalâ, Pauline Marbot, Luca Gucciardi, David Réménièras, Alexandre Gonin et Jean-Charles Garcia) avec un objectif commun : éclater cette épaisse cloison de verre entre le public, le texte et la scène.

Adieu, trois coups : ici, le silence s’installe de lui-même plutôt qu’il ne s’impose ; la pièce s’ouvre par une silhouette spectrale, dont l’aura envoûtante présage du drame à venir.

Ce « Roméo et Juliette » là surprend par son audace : les acteurs sillonnent la salle, tel un territoire enfin reconquis. Ils poursuivent sur scène une conversation débutée parmi nous. Ils nous lancent des regards inquisiteurs, s’éloignent par l’issue de secours, se bousculent au milieu des habiles décors de Pierre Mathiaut : nous voici à Vérone !

Quant à la création lumière, plus qu’un éclairage, Vincent Mongourdin offre un écrin idéal aux amours contrariés de R&J. Ici, des corps parcourus d’un flash frénétique, leur chorégraphie hypnotique berçant la rencontre des amants maudits. Là, une sérénade qui, à la faveur de la nuit, tout en ombres chinoises,  imprègne des toiles tendues dont on aimerait tant qu’elles les enveloppe, les sauve de leur funeste destin.

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La musique, elle, parvient à synthétiser toute la palette des émotions qui fusent. Aux commandes, Zerkalâ, dont la bande-son inédite, furieusement décalée, achève de briser les frontières académiques. Parce qu’il en faut, du talent, pour remixer tout en douceur « Du Hast » de Rammstein pour une pièce si jeune, à peine 400 ans…

Et si nous allions nous aussi à la reconquête de l’espace théâtral, y prendre place comme si nous ne l’avions jamais quitté ? C’est que, devant cette plongée inédite au cœur du drame qui a façonné notre rapport au sentiment amoureux, il devient urgent de s’installer dans ces fauteuils moelleux, se rendre à la rencontre de cette troupe géniale, de cette mise en scène quasi cinématographique de Marion Conejero et applaudir chacun de ces acteurs incandescents qui nous offrent, chaque mercredi, leur talent, leur transe et leur tendresse.

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Parce que ce dévouement au service d’un spectacle total, à l’émouvante sincérité mérite d’être admiré, et précieusement conservé en mémoire, avec cette certitude, une fois les lumières rallumées et le chemin vers le métro entamé, qu’on « y était ». A vous, les Chiens !

Roméo et Juliette de William Shakespeare, mis en scène par Marion Conejero, Théatre de Ménilmontant (Paris 20ème)

Artistes :  Thomas Silberstein (Roméo), Marion Conejero (Juliette), Luca Gucciardi (Mercutio), Pauline Marbot (Lady Capulet), Daniele Yondo (La Nourrice), Paul Reulet (Frère Laurent), David Remenieras (Pâris), Jean-Charles Garcia (Capulet), Karl Philippe (Tybalt), Alexandre Gonin (Benvolio) et Mateo Lavina.

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