L’art du mouvement, avec Emmanuel Mousset
Pour beaucoup d’entre nous, le quotidien relève de la routine laborieuse : sur le chemin qui nous mène “au travail”, les visages se confondent, les bâtiments ne forment qu’une seule et même tour solitaire, et la grisaille céleste forme un aplat des plus ennuyeux. Seul « l’art » comme l’estime Pablo Picasso, serait à même de « laver notre âme de la poussière du quotidien ».
Pourtant, c’est de ce quotidien que le sculpteur et peintre Emmanuel Mousset extrait toute la matière de ses œuvres. Mais ne lui dîtes surtout pas qu’il fait de l’art “parisien” : l’artiste a la bougeotte, et entre deux voyages en Corée du Sud ou en Côte d’Ivoire, il a fait le vœux pieux de rendre hommage aux passants, à ces rencontres fortuites qui illuminent nos vies citadines débordées.
Fondateur, au côtés de son ami l’artiste-peintre coréen Woorim Moon, du collectif PariSéouL 75070, diplômé de l’École Supérieure d’Arts et Médias de Caen en 2018, il développe, via des supports et techniques multiples (huile, acrylique, glycéro, pastel, béton, plâtre) un univers fait d’instinct et d’immédiateté : la sincérité vient de la main et du bras, soutient-il.
Inspiré tant par les origines (art pariétal, hiéroglyphes), les grandes figures de l’histoire de l’art (Picasso, Daumier, Gauguin), que par sa garde contemporaine (Miquel Barceló, Marlene Dumas, le street-art), il propose au spectateur de regarder le monde en face, dans ses aspérités et ses instants de grâce, mais non sans tendresse, drôlerie.
Ici, c’est une mère allaitante (Madonne, huile sur papier, 2021), là une soirée entre amis (Copinage, acrylique sur toile, 2022). Et puis, surtout, une galerie de portraits de quidams, peints en gros plans, pour une expérience frontale : autant d’instantanés de visages qui manquent cruellement au monde de l’art.
C’est qu’ils sont tous là : vendeurs à la sauvette (Marlboro Marlboro, peinture à l’huile sur toile, 2021), femmes Noires puissantes (Femme de Bonoua, crayon, 2022), silhouette errante à la dignité retrouvée (Grand geush, huile sur toile, 2021). Son amour du football, aussi, qu’il décline dans des boîtes de sardines, des coquilles d’huîtres (Vanity, peinture sur huître, 2021), ou par touches, telles des réminiscences (Coup franc/Free Kick, 2021). Et on se surprend à voir dans sa Petite tête (marker sur plâtre, 2021) un hommage rêveur aux têtes étrusques.
On lui prête parfois des intentions militantes, et Emmanuel Mousset de rappeler qu’il n’y a « ni écriteau, ni drapeau » à côté de ses œuvres. Juste un désir féroce de donner à voir, tel un « reporter », la société qu’il parcourt, chaque jour. S’il a déjà expérimenté la vente de ses œuvres dans la rue, sur une natte posée à même le bitume, c’est en hommage au geste de l’artiste afro-américain David Hammons, qui déjà, en 1983, dans sa performance Bliz-aard Ball Sale, se mêlait aux vendeurs ambulants, ramenant l’art à sa valeur la plus éphémère, aussi fragile que la somme de nos vies humaines.
Si vous êtes de passage dans la capitale, peut-être croiserez-vous les œuvres d’Emmanuel Mousset dans une galerie, ou dans un kiosque qu’il occupe, en ce moment, avec d’autres artistes, au 86, rue des Rigoles, le garçon s’inscrivant dans l’émulation, et la force du groupe. Pour le reste, il faudra se connecter à sa page Instagram, qu’il alimente avec la diligence d’un créatif en perpétuel mouvement, sans jamais nous perdre.