Le chat geluck superman
Chroniques

Un homme à la hauteur

On me demande souvent quelle est ma conception de l’homme idéal, ce que cela recoupe pour moi.

La question n’est jamais vraiment directe (mode crabe activé) : je ne compte plus les questions déguisées en accusations gratuites (vous n’aimez que les connards), en reproches (tu ne serais pas un peu difficile, au fond ?), voire en spéculations fumeuses (tu ne ferais pas un peu peur aux hommes, avec ton humour, tes histoires de féminisme et de décolonialisme ?).

Lorsque l’interrogation émerge, je me sens toujours prise au dépourvu. C’est que je n’y pense pas, optant, au quotidien, pour un très stoïque on verra bien qui se présente.

Je ne recherche ni caractéristique physique précise (j’adooore les petits bruns avec des doigts palmés), ni talents cachés (moi, je ne date que des souffleurs de verre qui jouent Blowin’ in the wind au triangle). La rencontre représente pour moi une tension, une pulsation sur une tonalité inédite qui, soudain, apparaît indispensable à ma vie. Rien que ça.

Mais alors, pourquoi être encore célibataire à 30 ans et plus ? Trop compliquée, trop lente à la détente, une liste de doléances à rallonge qui ferait fuir le plus diligent des Cupidons ? Oh, mais pardon ! Je ne savais pas que ce qui fait tourner la tête à l’humanité entière, nourrit près de 2 000 ans de littérature et de musique, qui implique de partager son intimité la plus absolue avec un autre, j’ai nommé, l’Amour, devait se décider sur un coup de tête, ou par résignation, entre deux parties de ping-pong !

Il est vrai qu’avec le temps, les personnalités s’affirment, les goûts se dessinent nettement. On sait de mieux en mieux ce qui nous rend heureux, et éprouvons moins de difficulté à l’exprimer (oui, j’ai bien dit moins).

Alors ? Ma définition de l’homme idéal tient en trois mots : curiosité, empathie et drôlerie. Voilà, c’est dit, drop the mic.

Pas question d’une quelconque virilité exacerbée, de mecs en sueur faisant tourner des bétonneuses torse nu (hum..quoique…). Nul besoin d’être le fils caché de Miloš Forman, Prince, Jean-Paul Sartre et Paul Newman.

Je n’espère qu’une chose : écouter/comprendre l’autre, et me sentir écoutée/comprise face aux défis qui entourent ma vie de femme racisée, sans faire de moi un professeur particulier en féminisme et luttes anti-racistes (il y a tant de ressources comme ici, , dans cette direction, et juste là).

Nous extirper, à deux, de la banalité des jours à coups de culture sous toutes ses formes (Picasso le dit bien : « seul l’art peut laver notre âme de la poussière du quotidien »). Un homme qui ne se sentira pas amoindri ou terrifié par mes études, mes connaissances, mes passions.

Être d’une grande tendresse l’un pour l’autre, et puis rire beaucoup, parce que tout cela est bien absurde, tout de même.

La séduction, l’attraction et le désir, aussi inexplicables soient-ils, découlent aussi de ces grands intérêts, tout comme de tous ces riens : être attentif à l’autre et à ses points de sensibilité, son passé, faire montre de galanterie, offrir un présent juste parce que, lui venir en aide moralement comme en action, regarder l’autre tel un véritable alter ego, être curieux d’aller à la découverte de cette altérité. Et surtout, surtout, surtout, ne jamais me considérer comme acquise.

Oh, je vous vois soupirer : tout ça, vraiment ?

Oui, cela requiert quelques efforts. Mais si nous ne le faisons pas sur l’autel de l’amour, au nom de l’être cher, pour qui le ferons-nous ? Personne n’a jamais dit qu’aimer était chose facile, sinon, cela ne serait pas si passionnant, et Roméo et Juliette n’aurait jamais traversé les siècles jusqu’à nous. Au pire, vous pourrez toujours vous rabattre sur un cochon d’Inde : on les dit doux et dociles à souhait.

Un homme à la hauteur ? Juste un homme fier d’aimer et d’être aimé, en réalité.

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