Arts

D’une âme à l’autre, avec le peintre Idris Habib

Stella, Idris Habib (2021, Peinture)

Que nous ont t-ils faits, ces grands portraits, pour nous impressionner autant ? Que voyons-nous dans ces regards, parfois directement dirigés vers nous, parfois légèrement de biais ? Ils aimantent, ils attachent, ils retiennent.

Le peintre américain d’origine ghanéenne Idris Habib (né en 1977) a nourri son geste en parcourant le monde, confrontant les courants artistiques, notamment le street art et l’art africain. Autodidacte, astucieux et imaginatif, il n’hésite pas à manier tant les pinceaux que ses doigts, offrant une démarche fièrement émancipée.

L’artiste pense la création comme une onde faite de rencontres et de visions diverses, favorisant une belle émulation sur son passage : « je crois que l’art est fondé sur l’idée que le partage de la créativité des autres suscite en vous les plus grandes formes de créativité, qu’il incite à regarder ce qui constitue son environnement et sa communauté et que ce partage initie des visions créatives, nourrissant l’espoir de soi et inspirant les autres ».

Ballota, Idris Habib (2021, 30 x 30 cm, Peinture)

Il en appelle à la musique, qui alimente également son approche : il convoque des sommités telles que Sun Ra, Miles Davis, John Coltrane ou Nina Simone, faisant de son art un lieu de mémoire, de percussions et d’enrichissement permanents.

Avec cette série de visages, Idris Habib nous ramène à l’art du portait cher aux Pays-Bas du XVIIème : le soi se confronte au regard du spectateur, sans le moindre élément narratif, peu d’artifices, à la manière de Rembrandt et, plus particulièrement, de Frans Hals. Des femmes et des hommes Noirs, échappés de la trivialité de leurs quotidiens, héros de l’intime, sans cause proclamée sinon celle d’être.

Children With No Name, Idris Habib (2021, 63 x 32 cm, Peinture)

Ce nouveau récit est celui de la figure Noire ancrée dans nos modernités quotidiennes : elle existe pour et par elle-même, et non plus au travers d’un certain prisme sommaire ou déformant sur lequel elle n’aurait aucune prise.

Par leurs yeux, ces portraits impriment une assurance nouvelle aux visages Noirs, une détermination tranquille à traverser cette vie avec une légitimité sereine, à laquelle l’histoire de l’art ne nous avait pas encore habitués. Autant d’humanités à rencontrer comme on croiserait un passant, une voisine, un puissant, une amie.

En addition à la sobriété des traits, la neutralité des attitudes, Idris Habib se joue des textures, apportant du relief à la couleur noire, l’illuminant par touches, dynamisant le tout en jouant avec les arrière-plans.

Loin de mettre à distance le spectateur, l’artiste propose, tout au contraire, d’entrer en conversation avec la figure Noire. « Il y a des regards, dans les grandes circonstances, où l’homme essaye d’imprimer son âme dans une autre âme » (Les maximes et pensées, Honoré de Balzac, 1856). A les voir, ces portraits, à les ressentir, surtout, on ne saurait mieux dire.

Victoria, Idris Habib (2021, 80 x 60 x 2 cm, Peinture)

Mali Aissa, Idris Habib (2021, 124,5 x 179,8 cm, Peinture)

Patricia, Idris Habib, (2016, 96,5 x 152,4 cm, acrylique sur canevas)

Idris Habib est représenté et actuellement exposé à la 193 Gallery.

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