SONS

Oliver Proudfoot redessine la courbe des nuages avec Oregon Grey

Dans les déferlantes de nouveautés prêtes à en découdre avec l’écosystème luxuriant du stream, on en oublierait presque de prendre plaisir à écouter, réécouter, piste après piste, les toutes premières créations d’un artiste en particulier.

Se rappeler du temps où l’on s’immergeait dans ce morceau-là des heures durant, juste parce qu’il savait se déposer avec la précision d’un orfèvre sur cette joie, ce tourment.

Oregon Grey est de cette trempe. Il a la saveur de ces après-midis que l’on souhaiterait infinis ; il porte une certaine innocence estivale, la tiédeur d’une paume contre notre épaule, un peu éblouis par le soleil déclinant.

L’Australien Oliver Proudfoot n’en est pas à son coup d’essai : on lui doit une prestation remarquée lors d’un Sofar parisien, où il donnait un souffle inattendu à son Into the sea (la clarinette, un de mes instruments favoris, y ajoute une nostalgie tout en retenue).

Avec ce nouveau titre, on côtoie le bliss discret d’un Damien Jurado, mâtiné de vocalises percluses de pudeur d’un Piers Faccini. La guitare folk fait son œuvre et intègre des sensations à géométrie variable : ici, une folle envie de s’enfuir en pleine nuit, sous la pluie, là, le délice d’une solitude passée sous la couette, un vinyle en boucle.

Toujours, cette impression qu’Oliver est un voyageur à la recherche d’une promesse à tenir à lui-même. Celle de vivre pleinement ce pour quoi il semble fait : créer des paysages musicaux précieux dans leur simplicité, heureux d’appréhender le monde dans toute son inconstante lumière.

Shall I recall this tree, when I am old, 

This hill, or how this valley fills with sun 

And green afternoon is bought for morning’s gold 

And sold again for sleep when day is done?  

Me souviendrais-je de cet arbre, quand je serai vieux,  

De cette colline, ou de comment cette vallée s’emplit de soleil 

Et qu’une verte après-midi s’achète avec l’or du matin 

Et se revend pour du sommeil à la fin du jour ?

_William Faulkner, «Hélène : ma cour, suivi de Poèmes du Mississippi »_

On s’approprie les mots du vieil homme ; la vague peut bien nous emporter, d’ici, on ne voit presque plus le rivage, et on s’y sent bien.

Oregon Grey // Oliver Proudfoot (prod. Ryan K. Brennan)

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