Chroniques

Pour devenir un timide heureux, musclez donc votre vision latérale

timide

Il s’agit ici d’admettre une tendance naturelle qui commence peu à peu à nous empêcher de conclure, et ce en tout point : la Timidité. Oui, elle est, passé un certain âge, un crime d’état. « Mais c’est mignon, un Timide, cela rougit brusquement, comme s’il bouillonnait intérieurement! » Non, ça, c’est de la colère envers la vacuité de tes remarques, mais passons…

Solide manque de confiance en soi, soupçon d’ego en berne (visionnage d’un long métrage avec Nicolas Cage post « Volte-Face », énième client de bar PMU fleurant bon le pastis vous accostant au pied de votre immeuble…) et un bon cor plantaire: ça y est, vous y êtes, l’espiègle Fée Timidité ne vous lâchera pas d’une semelle. Prenant soudain possession de la moindre de vos émotions sans même une petite sonnerie d’alerte sur votre smartphone, la voici qui profite de votre coup de grisaille pour vous conférer la souplesse et la spontanéité d’un éléphant chaussé de ballerines en mousseline de béton.

Ce n’est pas par mauvaise volonté, mais la perspective de devoir affronter une soirée d’une trentaine de personnes, avec pour seule compagne une verrine tomate-pois gourmands, ou un entretien d’embauche face à un jury – Gollum, Grincheux et Chucky – si elle reste une occasion de se dépasser, peut très vite virer à l’épreuve olympique.

Et si les réseaux sociaux deviennent les nouveaux pinceaux du néo-Timide, lui permettant de tracer des lignes sur une toile jamais vraiment entamée, ils lui confèrent l’avantage (l’illusion) de se bâtir une vie sociale numérisée, loin des remous de la jungle urbaine et des restaurants en vogue. Il croit vaincre son démon domestique en se manifestant à mots couverts.

Lui qui aime tant la tiédeur ouatée de ses infernales hésitations, il est donc temps de l’en extirper, avec un ménagement tout relatif. En la matière, chez les Gens Pressés, nous y excellons. Le tout est de commencer par petites touches (non, les agressions physiques ne l’aideront pas, on a déjà essayé, sans succès).

Tout d’abord, tenter des expériences gustatives inédites, comme le foie gras en guise de quatre heures en compagnie d’une bande de voisins bavards et passablement éméchés. La honte, de manière surprenante, lui forgera une solide assurance.

Ensuite, quelques soirées interlopes à l’Espace B, là où il est certain de ne croiser que des félins dans son genre, la mine basse, l’air taiseux mais avec un œil qui frise à chaque nouvelle arrivée/arrivant(e).

Enfin, le convaincre qu’il n’y a pas de moment idéal pour fuir la routine liée à l’entrée dans l’âge adulte: parler au moins une fois dans la journée à un(e) inconnu(e) (non, la boulangère, ça ne compte pas, d’ailleurs, ô mes aïeux, mais que faîtes-vous donc dans une boulangerie en pleine saison du mono-kini ?), oser s’adresser au serveur quant au plat du jour plutôt que d’enfourner inlassablement une salade César trop sèche (que vous abhorrez, de toute manière).

Et puis saupoudrez le tout de paillettes et de rouge à lèvres couleur grenat. Quoi, vous portez la moustache? Vous devriez, dans ce cas, grâce à votre super-vison latérale (ultra-développée chez les Timides avertis, leur permettant de voir sans être vus) déjà être en train d’offrir une boisson fraîche à cette jeune fille, assise en compagnie d’un livre dont elle relit la cinquième page pour la dixième fois depuis qu’elle a croisé votre regard. Et oui, entre timides, l’entraide, ça n’a pas de prix.

Haut les cœurs !

Crédit photo @Walt Disney

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