[De retour du musée] MALI TWIST, Fondation Cartier, Paris 14ème
Le continent noir est à l’honneur à Paris cette saison avec une rétrospective consacrée au photographe malien Malick Sidibé (1935-2016), vingt-deux ans après l’exposition qu’avait présentée la Fondation en 1995, inédite à l’époque.
Né en art comme on entre en religion, celui que l’on surnomme l’œil de Bamako a su poser, sa vie durant, un regard aussi tendre que fervent sur ses contemporains. Sillonnant les bals poussières et les surprises-parties, armé de son appareil Brownie Flash, il se fait connaître en immortalisant les dieux et déesses des nuits chaudes bamakoises, entre frénésie yéyé et nouvelles indépendances.
« Le noir et blanc, c’est la vie »
Né en 1935 à Soloba, village du Sud-Mali, le jeune Malick, après un diplôme de joailler de l’École des arts et des artisans soudanais de Bamako, intègre en 1955 le studio Photo Service de Gérard Guillat-Guignard.
Très vite, l’année suivante, il commence à saisir des instantanés de cette époque charnière, deux avant la proclamation d’indépendance du pays. En 1962, il ouvre son propre studio, Studio Malick.
Il se spécialise dans la photographie documentaire, faisant de la jeunesse son sujet de prédilection : c’est cette atmosphère singulière, capturée avec une empathie propre à l’artiste, à laquelle l’exposition fait la part belle.
En témoigne Nuit de Noël (Happy Club), sélectionnée par le TIME comme l’une des « 100 photographies les plus influentes de l’histoire ».
« L’image ne trompe pas »
A partir de 1976, Sidibé fixe son objectif dans son studio, qui devient le passage obligé de la capitale malienne. Portraits de famille, fashion victims, personnages hauts en couleur en tout genre, accompagné (ou non) d’un mouton, d’une moto, en tenue d’apparat, toutes les fantaisies sont permises.
Entre fierté et exubérance, les portraits de l’artiste déroulent le fil d’une certaine époque de liesse absolue. La joie, l’insouciance, le visiteur prend part aux élans spontanés d’une génération incandescente.
Vibrant hommage à l’énergie créative d’un artiste aussi discret que prolifique, Mali Twist se veut également le témoin d’un art contemporain africain désormais incontournable. L’exposition, avec plus de 250 photographies, donne à voir l’éclosion inédite d’une veine de créatifs affranchis, malgré le tumulte de l’histoire, à l’image de Paa Joe.
Un rayonnement qui dépasse les frontières africaines, comme en témoigne Janet Jackson dans son clip Got ‘till It’s Gone (1997).
A partir de 2000, Sidibé accumule les récompenses, notamment, le Prix international de la photographie (Fondation Hasselblad, 2003), Lion d’Or d’honneur (52e Biennale d’art contemporain à Venise, 2007), Infinity Award for Lifetime Achievement (Centre de la Photographie de New York, 2008).
Le photographe confidentiel est désormais une étoile consacrée internationalement.
« Danser, c’est bon ! »
Dès notre arrivée, nous sommes embarqués dans un voyage sensoriel complet. Bercé par une bande-son particulièrement soignée, conçue par l’écrivain Manthia Diawara et André Magnin, galeriste et commissaire de l’exposition (aux côtés de Brigitte Ollier), un studio-photo est même soumis à la fantaisie de chacun, à l’aide d’accessoires délicieusement rétros.
Jusqu’en février 2018, différentes soirées seront proposées, parmi lesquelles une carte blanche à Ballaké Sissoko (les 5 et 6 février 2018) ainsi qu’un « bal populaire » avec l’Orchestre Taras (le 17 février 2018).
Une fête dans la fête que n’aurait pas boudé Malick Sidibé, pour qui « dans la vie, il faut s’amuser, après la mort, c’est fini ! »
Malick Sidibé – Mali Twist, jusqu’au 25 février 2018 à la Fondation Cartier pour l’art contemporain (Paris XIVème).