MOSSI : ARCHITECTE DE L’ÉPURE

Que serait le monde sans la mode ? Qu’on la qualifie de futile ou de non-essentielle, elle offre de la nuance, de l’audace, se faisant révélateur des désirs et des personnalités. De fait, elle est l’émanation des corps, des émotions, et de l’histoire dans laquelle elle s’inscrit. Ne pas reconnaître toute son importance à la mode, c’est nier tout ce qui l’innerve et l’agite – mission impossible, donc.

Choisir un vêtement relève d’abord de l’inclination esthétique et, tout de suite, de très près, d’un geste instinctif. On se visualise, revêtant le précieux, on se constate en pensée, caressant l’espoir de s’octroyer, avec cette nouvelle pièce, une identité ravivée, voire enfin révélée.

C’est tout cela que les vêtements du label Mossi portent en eux, ainsi qu’une mission supplémentaire : transcender les époques, en s’attachant à une valeur-force, la structure. Car ce qui frappe ici, ce sont bien la coupe et le volume. Nets, assumés, ces vêtements se distinguent par une singulière franchise, l’envie d’exister pour la beauté du geste, et non la frénésie des tendances.

Cette épure n’est pas inerte : elle s’épanouit dans le questionnement, comme cette blouse blanche à col classique mais aux manches chauve-souris. Et que dire de ce trench-coat au bavolet drapé, tel un hommage furtif au volume des toges jetées sur une épaule. Ce sont de ces confrontations, de ces accidents précieux qu’émergent les moments de grâce pure, à l’instar de cette petite robe en laine, dynamisée/dynamitée par une asymétrie experte.

Mossi laisse les corps respirer, se mouvoir dans la cité sans entraves : tout ici accompagne le mouvement, structurant les courbes par des fondations qui pourraient apparaître strictes, au premier coup d’œil. Pourtant, à revenir sur cette jupe iconique asymétrique en laine légère noire, on découvre un boutonnage astucieux et une ceinture qui flatte la taille, une ingénierie de plissés qui allonge la silhouette. Quant à ce boléro, ses superpositions racontent un féminin indompté, qui se veut séduisant d’abord pour lui-même, ostentatoire élégance.

Pour Cristobal Balenciaga, « d’abord, il y a le tissu, après seulement le couturier » : Mossi Traoré, prix Pierre Bergé de l’ANDAM 2020, fondateur de l’école de haute couture « Les Ateliers Alix », ose rêver à voix haute de femmes sans limites, frondeuses, quitte à s’effacer, en toute humilité, derrière le fruit d’un travail de longue haleine. Il est grand temps d’écarter les étoffes pour révéler le maître.

Images@MOSSI